Présentation du blogue

Onze finissants d’Arts et Lettres accompagnés de deux enseignants, Christian Braën et Guy Bourbonnais, suivront les traces de Haruki Murakami, auteur à l’étude sur lequel ils se sont penchés avec ardeur, au Japon. Suivez-les à travers leurs textes, témoignages de découvertes, d’éblouissement et d’éveil. Ce voyage est pour eux l’occasion de se plonger concrètement dans l’univers ambivalent et onirique de Murakami.

dimanche 5 juin 2011

3 juin le soir - Promiscuité et pancakes

Le hautparleur du train bondé crache une mélodie légère et cocasse. Je suis littéralement prise en sardine entre deux inconnus. Malgré la masse de gens comprimés dans un endroit si restreint, un étrange calme règne dans tout le wagon. Je n’entends quasiment que les cliquetis du cellulaire de l’homme devant moi qui s’affaire à « texter » depuis au moins quinze minutes. Ce silence excessif me trouble d’abord et finit par m’apaiser. La notion de respect de l’autre me semble primordiale chez les Japonais.

Tous, écoliers comme travailleurs, se placent en ligne bien droite en attendant le train, scène de courtoisie sociale impensable à la station Berri-Uqam! Tout semble naturellement ordonné et pratique afin de faciliter les rapports entre tout un chacun. Malgré tout, je ressens une certaine froideur et un manque d’authenticité dans leur façon distante de communiquer. Ce comportement, qui leur confère parfois une attitude que l’on pourrait parfois qualifier de « coincée », est pourtant nécessaire dans un endroit où chaque personne n’a que la possibilité de vivre et d’agir dans un espace exigu. Occidentaux rustres et égocentriques s’abstenir.
Nous entrons à l’hôtel ce soir-là après l’heure du couvre-feu. Le réceptionniste vient nous chercher au pied de l’édifice et nous mène devant une petite porte dans un recoin de l’édifice. Près de notre groupe, deux jeunes hommes ivres se roulent littéralement sur l’asphalte tels deux vers de terre chassés de leur nid un jour de pluie. La bande pénètre, à la queue leu leu, dans un étroit et sombre escalier de service. Nous débouchons sur un long corridor exigu et tortueux. Une faible lueur se répercute dans l’ombre opaque qui s’écoule dans les recoins inquiétants du couloir. Ce lieu, accentué par l’effet de ma fatigue, me semble appartenir à un monde quelque peu irréaliste. Je m’y laisse guider aveuglément en tentant de lutter contre le sommeil à travers ce véritable dédale ténébreux.

« Cette situation te fait penser à quoi?, me demande Christian le lendemain.
-Hmm un film d’action? James Bond?
-Une autre idée?
-Bien sûr! Murakami! »

Je repense immédiatement au narrateur de la nouvelle « Le petit grèbe » du recueil Saules aveugles, femme endormie, coincé dans les confins d’un corridor infini et labyrinthique. Je revois également le personnage de Toru Okada, tiré du roman Chroniques de l’oiseau à ressort, poursuivant une quête onirique à travers les couloirs animés d’une force fantastique d’un hôtel de Tokyo. Cette situation, qui m’a d’abord parue banale, se révèle maintenant dans mes souvenirs comme singulière et énigmatique.

PAR ÉLISE PROVENCHER

1 commentaire:

  1. En lisant ton texte, la même nouvelle de "Saules aveugles, femme endormie" m'est venue à l'esprit. J'espérais que tu en fasses allusion avant la fin du texte.

    Oui, orgueil de prof...mal placé.

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